Article paru dans la Feuille de Chêne N°52 - Octobre 2003 - Tribune libre...

 

Les incendies de forêt

  Les incendies de cet été ont relancé la polémique sur la sensibilité des formations végétales aux incendies de forêt par fort vent.

On peut distinguer 3 grands types de formations : les pelouses, les garrigues et les forêts.

*Dans les formations basses

-         Les pelouses ou les chaumes (graminées) : la transmission du feu est très rapide, mais il y a peu d’énergie.

-         Les garrigues, maquis (argelas, chêne kermès, romarin…) : la transmission du feu est rapide, avec davantage d’énergie.

 

*Dans les formations arborées (forêts).

On considère d’abord la structure :

-         horizontale : les houppiers ne doivent pas se toucher

-         verticale : les branches basses servant de relais pour alimenter un feu de cime à partir  de la broussaille doivent être éliminés (élagage).

La composition :

-         Les résineux (pins, genévriers…). Par leur résine, ils émettent des composés organiques volatiles inflammables qui favorisent la combustion.

-         - Les feuillus caducifoliés : chêne blanc, érable, frêne à fleurs, cormier…En haute densité et non mélangés avec des résineux, sur une superficie de quelques dizaines d’ares, considérés par certains auteurs (dont Michel Thinon, chercheur au CNRS) comme des formations auto-défendables (préservées du feu).

Ceci peut-être mis en évidence par l’analyse d’images satellitaires avant et après incendies d’un même endroit, complétées par des observations de terrain (notamment les feux de Sainte-Victoire en 1989)

De plus, même si le feu détruisait ces formations (cas exceptionnels de sécheresse et chaleur conjuguées comme cette année, si la fréquence estimée est centennale, cela reste acceptable), ces espèces rejettent de souche.

Est-il possible de réintroduire ces espèces (feuillus caducifoliés) ?

On peut se baser sur 3 études qui ont été menées dans le cadre de reboisements expérimentaux (réalisés plusieurs années après incendies).

-         Installation de chêne pubescent par semis in situ en conditions forestières méditerranéennes. Mémoire de DED (Diplôme d’études doctorales) P. Champroux – 1996 –

-         2 études sur les plantations de frêne à fleurs réalisées par l’ARPCV à Puyloubier (13).

·        Charly Garanx – mémoire de DEUST – Sept 2001 – Faculté Saint-Jérome

·        Céline Rodini – mémoire de DEUST – Sept. 2003 – Faculté Saint-Jérome

Ces 3 études* montrent clairement que  l’introduction de ces feuillus caducifoliés (chêne blanc, frêne à fleurs) est possible avec de bonnes chances de réussite dans les zones à argelas et chênes kermès notamment.

De plus, en ce qui concerne le frêne à fleur, il existe un certain nombre de stations où l’on trouve des sujets de 7 à 8 m de haut et qui se sont abondamment régénérés.

On peut citer dans les Bouches-du-Rhône (liste non-exhaustive) : le Bois des Roussettes à Châteauneuf-Le-Rouge, le plateau de l’Arbois (Aix-en-Pce Cabriès), le Montaiguet (Aix-en-Pce, Meyreuil), Vauvenargues, le Rove…

L’âge des arbres de 1ère génération (arbres plantés) n’est pas connu. Mais même si leur croissance est très lente, ils ont le mérite d’être présents.

Il y aurait là matière à faire une étude sur l’auto-écologie du frêne à fleurs.

Par ailleurs, on peut observer par-ci par-là des petits chênes qui émergent de la broussaille  (chêne kermès, argelas…).

Les glands ont été transportés par les animaux qui les consomment (mulots, écureuils, geais…).

Ils font des caches dont certaines sont oubliées.

Les glands, graines lourdes, ne peuvent être transportés par le vent, contrairement à celles des pins, des frênes, des érables…Le rôle des animaux est primordial (zoochorie).

Compte tenu du coût des opérations de reboisement, nous avons préconisé dans le journal « La Feuille de Chêne » N°21 (Janvier 1996) de réaliser du semi de glands à la volée à haute densité **(on peut y ajouter les graines de frêne à fleurs) dans le tapis de chêne kermès ou d’argelas. Même si le taux de réussite n’est pas connu, cette opération peut être réalisée par tout un chacun.

Bien entendu, nous ne devons pas perdre de vue que c’est un travail sur le très long terme. On peut estimer qu’un chêne blanc n’atteint la taille de 2 m qu’à l’âge de 15 à 35 ans. Nous oeuvrons donc pour les générations futures. Les forestiers aiment citer l’exemple des chênes que Colbert avait fait planter dans la forêt de Tronçais (Allier) pour faire des mâts de navire. Maintenant on est bien content d’avoir hérité d’arbres magnifiques qui donnent du bois de tranchage et de sciage.

On a le résultat de la patience, de l’endurance.

  En écartant tout esprit polémique ou partisan, examinons tous les faits qui peuvent éclairer le débat d’une manière objective. C’est ce que j’ai essayé de faire en apportant ces quelques informations.

 

Pierre Champroux

Technicien forestier

 

*ces travaux sont disponibles à l’ARPCV

* une canne à semer les glands existe à l’état de prototype. Son efficacité est avérée, mais elle induit un coût supplémentaire dans les opérations de semis, d’une part, et nécessite de protéger les glands contre les prédateurs (pour rentabiliser son utilisation), d’autre part.