Les incendies de forêt
par Pierre Champroux (Technicien forestier)

 

 

Les incendies de l'été 2003 ont relancé la polémique sur la sensibilité des formations végétales aux incendies de forêt par vent fort.

On peut distinguer 3 grands types de formations: les pelouses, les garrigues et les forêts, qui peuvent aussi se classer en formations basses et formations hautes.

Dans les formations basses:

- dans les pelouses ou les chaumes (graminées), la transmission du feu est très rapide mais il y a peu d'énergie.

- dans les garrigues et maquis (argelas, chêne kermès, romarin...) la transmission du feu est rapide, avec davantage d'énergie.

Dans les formations arborées ou hautes, on considère d'abord la structure:

- horizontale: les houppiers ne doivent pas se toucher.

- verticale: les branches basses servant de relais pour alimenter un feu de cime à partir de la broussaille doivent être éliminées par élagage.

Puis la composition:

- les résineux (pins, genévriers...). Par leur résine, il émettent des composés organiques volatiles inflammables qui favorisent la combustion.

- les feuillus caducifoliés (chêne blanc, érable, frêne à fleurs, cormier). En haute densité et non mélangés avec des résineux sur une superficie de quelques dizaines d'ares, il sont considérés par certains spécialistes (dont Michel Thinon, chercheur au CNRS) comme des formations auto-défendables (préservées du feu). Ceci peut être mis en évidence par l'analyse d'images satellitaires avant et après incendies d'un même endroit, complétées par des observations de terrain (notamment les feux de Sainte Victoire en 1989).

De plus, même si ce feu détruisait ces formations (cas exceptionnel de sécheresse et chaleur conjuguée, où la fréquence estimée est centenale), ces espèces rejettent de souche.

 

Est-il possible de réintroduire ces espèces (feuillus caducifoliés)?

On peut se baser sur 3 études qui ont été menées dans le cadre de reboisements expérimentaux réalisés plusieurs années après les incendies:

- installation de chênes pubescents par semis in-situ en conditions forestières méditerranéennes (mémoire Diplôme Etudes Doctorales P. Champroux, 1996).

- deux études sur les plantations réalisées par l'ARPCV à Puyloubier (13). (mémoire DEUST Faculté St Jérome: C. Garanx Sept 2001, et C. Rodini, Sept 2003 ).

Ces trois études montrent clairement que l'introduction de ces feuillus caducifoliés est possible avec de bonnes chances de réussite dans les zones à argelas et chênes kermès. De plus, en ce qui concerne le frêne à fleur, il existe maintenant un certain nombre des stations où l'on trouve des sujets de 7 à 8 mètres de haut qui se sont abondamment régénérés. On peut citer dans les Bouches du Rhône (liste non exhaustive): le bois des Roussettes à Châteauneuf-le-Rouge, le plateau de l'Arbois, le Montaiguet  à Aix, Vauvenargues, et le Rove. L'âge des arbres de première génération n'est pas connu. Mais même si leur croissance est très lente, il ont le mérite d'être présents. Il y aurait là matière à faire une étude sur l'auto-écologie du frêne à fleurs.

Par ailleurs, on peut observer par-ci par-là des petits chênes qui émergent de la broussaille. les glands ont été transportés par les animaux qui les consomment (mulots, écureuil, geais...). Ils font des caches dont certaines sont oubliées. Les glands, graines lourdes, ne peuvent être transportées par le vent contrairement à celles des pins, des frênes et des érables. Le rôle des animaux est primordial (zoochorie).

 

Compte-tenu du coût des opérations de reboisement, nous avons préconisé dans le journal de l'association (janvier 1996) de réaliser du semis de glands à la volée à haute densité (on peut y ajouter des graines de frênes à fleurs) dans les tapis de chêne kermès ou d'argelas. Même si le taux de réussite n'est pas connu, cette opération peut être réalisée par tout un chacun.

Bien entendu, nous ne devons pas perdre de vue que c'est un travail sur le très long terme. On peut estimer qu'un chêne blanc n'atteint la taille de 2 mètres qu'à l'âge de 15 à 35 ans. Nous oeuvrons donc pour les générations futures. Les forestiers aiment citer l' exemple des chênes que Colbert avait fait planter dans la forêt de Tronçais (Allier) pour faire des mats de navire. Maintenant, on est bien content d'avoir hérité du bois de tranchage et de sciage. On a le résultat de la patience et de l'endurance.

En écartant tout esprit polémique ou partisan, examinons tous les faits qui peuvent éclairer le débat d'une manière objective. C'est ce que j'ai essayé de faire en apportant ces quelques informations.