Forêts d'ici et d'ailleurs.

 

 
Les grandes campagnes internationales menées depuis plusieurs années par les ONG telles que le WWF, Greenpeace, 
les Amis de la Terre ou le World Rainforest Movement portent prioritairement sur les dernières « forêts-frontières » 
de la planète telles qu'elles ont été définies par le World Resource Institute en 1997 (1).



Ces grandes forêts primaires ont encore une superficie suffisante pour qu'on y trouve l'ensemble des espèces animales 
et végétales qui les caractérisent, notamment de grandes espèces emblématiques exigeant de vastes territoires telles 
que l'éléphant des forêts, l'orang-outan, l'ours brun d'Europe ou le jaguar. Elles ne représentent plus aujourd'hui que 
6% des terres émergées de la planète et ont perdu 80% de leur surface d'origine.

 

Le rythme de leur destruction n'a fait que s'accélérer au cours des dernières décennies. 

Alors que la prise de conscience exprimée dés le sommet de Rio par la Communauté Internationale gagne peu à peu 
l'ensemble de la classe politique ainsi que de nombreuses entreprises, de nouvelles menaces apparaissent avec 
l'augmentation des surfaces cultivées en soja transgénique destiné à l'alimentation du bétail ou affectées directement 
à l'élevage bovin en Amérique du sud (Argentine et Brésil), phénomène lié à la surconsommation de viande bovine en 
Amérique du nord et en Europe. 


Plus récemment, l'Indonésie a encore accentué la déforestation de ses territoires afin de développer un vaste programme
 de plantation de palmiers à huile, anticipant ainsi l'augmentation de la demande des pays industrialisés en carburants 
d'origine végétale (COV). L'augmentation des exportations de bois à destination du Japon, de la Corée du sud, de la Chine 
et de l'Inde a encore aggravé la pression sur l'ensemble des forêts d'Indonésie, de Bornéo, et de Papouasie-Nouvelle-Guinée.
Les perspectives offertes par le futur marché des COV sont également à l'origine des expérimentations d'arbres 
transgéniques. Au nom de la lutte contre le réchauffement climatique ou pour les besoins de l'industrie de la pâte à papier,
 des recherches sont menées sur des arbres à croissance rapide ou à faible taux de ligine (2) ayant vocation à être exploités 
en monoculture, au détriment des forêts anciennes.
Les enjeux de la préservation des dernières forêts-frontières de la planète sont considérables car non seulement ces forêts 
ont un rôle de régulateur climatique en atténuant les écarts thermiques et hygrométriques, mais elle abritent l'essentiel de la
 biodiversité terrestre.
Les 1 700 000 espèces animales et végétales identifiées et étudiées à ce jour ne représentent même pas 10% de cette 
biodiversité qui s'érode au rythme de 13 millions d'hectares par an (3)) ce qui revient en moyenne à la disparition de la 
superficie d'un terrain de football toutes les 2 secondes.
Des solutions concrètes telles que l'écocertification, le choix d'essences locales gérées de manière durable, la reconnaissance
 des droits ancestraux des peuples des forêts sur leurs territoires, le développement d'un écotourisme respectueux de ces
 populations et de leur environnement, le recours à l'embargo sur les bois de conflit ou de déforestation sous l'égide du Conseil 
de Sécurité de l'ONU (4)) existent et leur mise en oeuvre exige une forte mobilisation de l'ensemble de la société civile.

Il serait cependant regrettable que la priorité donnée à la préservation des dernières forêts-frontières accrédite l'idée qu'il 
existerait une sorte de hiérarchisation des forêts primaires car c'est avant tout dans un souci d'efficacité que les ONG de 
défense de l'Environnement ont du cibler  prioritairement les forêts du bassin de l'Amazone, du bassin du Congo, de Bornéo 
et de Papouasie-Nouvelle Guinée, de Birmanie, de Sibérie ou du Canada.

238 écorégions essentielles à la protection de la biodiversité ont été identifiées par le WWF en 2000 et parmi celles-ci, 
17 relèvent directement de la responsabilité de la France. 
Sur le territoire national, les futaies régulières monospécifiques (qualifiées par les brésiliens de «  soldats verts «  en raison 
de leur uniformité) restent majoritaires dans de nombreux départements alors que les forêts diversifiées ne représentent 
que 5% de la surface totale gérée. Les forêts bien protégées (catégories I à IV de l'UICN) ne représentent que 173 000 
hectares soit à peine 1,09% de la surface forestière en France métropolitaine. 
Près de 100 espèces forestières, animales ou végétales, sont menacées d'extinction et un nombre plus important encore 
nécessite un effort de conservation.
 
Les zones méditerranéennes, quant à elles, présentent un taux d'endémisme élevé et accueillent 67% des espèces végétales 
françaises alors qu'elles ne représentent que 9% du territoire national (5).

La crédibilité des appels à la préservation des forêts anciennes et de la biodiversité lancés au plus haut niveau de l'Etat ne peut 
qu'être affectée par notre inaptitude à appliquer chez nous ce que nous exigeons de la part de pays avides d'un développement 
économique dont nous avons, avec l'ensemble des pays occidentaux, imposé le modèle dans le monde entier.

Nos inquiétudes face à la boulimie dévastatrice des pays dits  émergents  est certes légitime mais ne récoltons-nous pas ce que 
nous avons semé ?
La lutte contre la destruction de la biodiversité doit être menée sur tous les fronts, globalement, mais aussi localement.
En contribuant, à contresens des pratiques forestières dominantes, à la restauration d'un couvert forestier diversifié, 
biologiquement riche, et composé d'essences indigénes adaptées, l'ARPCV y participe activement. 

 

P.FERRETTI
1. Institut des Ressources mondiales : Organisation indépendante fondée en 1982 et basée ˆ Washington. Le WRI fonctionne
 comme un «  Think tank «  de développement durable et collecte des données sur l'état mondial des ressources naturelles. 
Site internet :  http://www.wri.org/
2. http://www.i-sis.org.uk/GMFTTUTfr.php . Le Laboratoire National d'Oak Ridge (ORNL) travaille, en lien avec les universités 
de Floride, d'Oregon et du Minnesota sur des peupliers transgéniques pouvant stocker plus de carbone ou pouvant produire de
 l'éthanol ou d'autres types de combustibles, travaux subventionnés par le Ministère américain à l'Energie pour 4,2 millions 
d'euro.

3. Cf. rapport biennal FAO 13 mars 2007. La FAO ne fait malheureusement plus de différence entre les forêts primaires à
 haute valeur biologique, et les plantations monospécifiques de rendement (eucalyptus, résineux...). Ces dernières viennent donc
 en déduction de la superficie de forêts naturelles détruites ce qui ramène la perte nette de surface forestière à 7,3 millions 
d'hectares sur la base des informations fournies par les Etats et vraisemblablement sous-estimée au même titre que les
 pourcentages de coupes illégales.

4. Cf. l'inscription de la Birmanie à l'ordre du jour permanent du Conseil de Sécurité : 
http://www.amisdelaterre.org/-Teck-de-Birmanie-le-bois-du-.html 

5.  Profil Environnemental Régional. Rapport BCEOM Octobre 2004.