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Alexandre
de Galliffet avait acquis le domaine en 1637, de la famille d'Albertas
qui elle-même le tenait, depuis la fin du siècle précédent,
des Jarente (1286 fin du XVIIe siècle).
Il était
alors président au Parlement d'Aix, institution majeure en Provence,
à la fois administrative et judiciaire, où siégeaient
plusieurs membres de sa famille. Cette position sociale prépondérante
des Galliffet explique l'ampleur de la bâtisse, conçue pour
recevoir. Ainsi, un théâtre était aménagé
dans l'aile est du château et une chapelle occupait l'aile ouest.
Pendant
deux siècles et demi, le nom des Galliffet sera intimement lié
à l'histoire du Tholonet et connaîtra une véritable
notoriété.
L'histoire
de leur immense fortune remonte à celle de Joseph de Galliffet,
dit ìl'Inflexibleî, qui était le petit-fils d'Alexandre.
Après avoir servi dans l'armée, puis dans la marine, Joseph
de Galliffet va conquérir à Saint-Domingue, à la fin
du XVIIe siècle, des domaines si vastes et si riches que leur exploitation
lui permettra d'acquérir en France, et principalement en Provence
et à Paris, des biens considérables. A la veille de la Révolution,
les Galliffet comptaient parmi les familles les plus riches de Provence.
Le conflit entre Gabriel-Honoré de Mirabeau et Louis-François de Galliffet
Suivant
l'exemple de son père Joseph, Louis-François de Galliffet
débute par une carrière militaire, comme capitaine au régiment
des Dauphins Dragons et acquiert en 1773 une cornette dans la seconde compagnie
des Mousquetaires du Roi. A la suppression de ce corps, en 1775, il est
réformé avec pension.
A 28
ans, alors qu'il est veuf depuis peu de temps, il rencontre la jeune Émilie
de Marignane, comtesse de Mirabeau, délaissée par son époux
le marquis de Mirabeau. Passionnée de chant et de comédie,
elle est à la fois l'imprésario et la diva du théâtre
du Tholonet. Cette situation est à l'origine d'un long conflit,
qui débute dès le retour de son mari, le comte de Mirabeau,
dont les frasques alimentent la chronique de l'époque.
Les frasques du comte de Mirabeau
Après
une jeunesse tumultueuse, Gabriel-Honoré-Victor de Riquetti, comte
de Mirabeau (1749-1791) épouse à Aix, le 23 juin 1772, Émilie
de Covet, fille du marquis de Marignane. Elle aime le luxe et il contracte
rapidement des dettes pour maintenir le train de vie de sa jeune épouse.
Son
comportement amena son père à le punir à plusieurs
reprises. Il le fait enfermer d'abord à Manosque, ensuite au château
d'If, puis au fort de Joux, près de Pontarlier.
Dans
cette ville, il s'éprend de Sophie, la jeune épouse du vieux
marquis de Monnier. Il l'enlève et s'enfuit avec elle à Amsterdam.
Bientôt extradé, son père le fait enfermer dans le
donjon de Vincennes pendant 40 mois.
Un arrangement
intervient en 1782, Gabriel-Honoré se réfugie à Neufchâtel,
en Suisse, avant d'accepter de reprendre la vie conjugale, principalement
pour toucher les bénéfices de son contrat de mariage. Sophie
est enfermée dans un couvent.
Cependant,
Émilie de Covet est toujours la maîtresse de Galliffet, et
règne en maître sur le théâtre du Tholonet.
En 1783,
Mirabeau s'installe à Aix, chez son oncle le Bailli. Émilie
refuse la conciliation et introduit une demande en séparation.
Elle
espère obtenir l'annulation de son mariage pour se faire épouser
par Louis-François de Galliffet. Ce procès en séparation
a été cité comme l'un des plus remarquables du XVIIIe
siècle.
L'opinion
prend parti pour le marquis, qu'elle considère comme une victime
calomniée et que l'on cherchait à déshonorer. Un jour,
au Parlement, il a parlé durant cinq heures sans arrêt, ridiculisant
les Marignane, le célèbre Pascalis, avocat de la partie adverse,
et même le Parlement. A la suite de ces offenses, les juges de la
cour d'appel décident de donner tort à l'impudent, déclarant
ainsi la séparation de corps. Émilie, libre, retourne provisoirement
chez son père.
La période révolutionnaire
À
la Révolution, Louis-François de Galliffet émigre
avec sa famille en Italie. Biens et propriétés sont confisqués.
Le château est vendu et acquis le 19 juillet 1796 par la femme Rollin,
épouse Thiébaud.
En 1788,
il se remarie avec Marie-Joséphine-Laure de Lestang-Parade. De cette
union naît, en 1790, à Aix, Alexandre-Justin-Marie.
En 1802,
Louis-François rentre en France, se réinstalle au Tholonet
en 1804, après restitution de ses biens. Il est nommé maire
de cette commune en 1808, et le restera jusqu'en 1830.
Alexandre-Justin-Marie, marquis de Galliffet (1790-1854)
Fils
unique de Louis-François, il embrasse également une carrière
militaire. Il démissionne en 1830 avec l'arrivée de la monarchie
de Juillet.
Il se
retire par la suite au Tholonet et va transformer le domaine en améliorant
l'irrigation et en reprenant l'exploitation des carrières de marbre.
Il meurt en 1854 et le domaine revient à son fils, le futur général
Gaston-Alexandre-Augustin de Galliffet (1830-1904).
Il est
à l'origine du second épisode juridique célèbre
de la famille. Un conflit qui opposa la famille de Galliffet à François
Zola, père du célèbre écrivain, Emile Zola.
L'intérêt
présenté par cette affaire est son objet même : l'alimentation
en eau d'Aix et de son terroir, puisque François Zola envisageait
la construction successive de quatre barrages réservoirs, qui détourneraient
l'eau destinée au château. Cet aspect historique sera repris
lors de la présentation du seul barrage réalisé par
cet ingénieur (voir chapitre sur le barrage Zola).
La fin du temps des Galliffet
Le décès
d'Alexandre-Justin de Galliffet marque la fin de toute une époque
dans la mémoire du Tholonet. En effet, son fils Gaston-Alexandre-Augustin
de Galliffet préfère la vie parisienne, et le château
est peu à peu délaissé. A partir de 1860, il remplit
la fonction d'aide de camp de Napoléon III. Il participe aux campagnes
d'Italie, de Crimée et du Mexique. Distingué par Gambetta,
il est nommé gouverneur de Paris en 1880, et enfin ministre de la
Guerre en 1899, dans le cabinet Waldeck-Rousseau.
Ironie
du destin, c'est lui qui décide la révision du procès
de Dreyfus dont la réhabilitation avait été soutenue
par Émile Zola. Le dernier des Galliffet a épousé
la fille de Laffitte, homme politique libéral, ce qui explique probablement
la participation de cet aristocrate à un gouvernement républicain
de gauche.
Il déclarait
souvent : « Je ne suis pas d'ancien régime, je suis de 89.
»
Pour
lui, l'argent était un détail sans importance. Il dépensait
sans compter pour tenir son train de vie et sa réputation.
Il a
dû céder son domaine du Tholonet à sa soeur Marie-Louise-Marguerite
qui ne l'a jamais habité.
En 1885,
le château était dans un tel état d'abandon qu'il faisait
oublier la splendeur des lieux durant les deux siècles écoulés.
En 1887, le domaine est vendu à un industriel marseillais, Adrien
Pichard, qui le restaure de façon plus ou moins heureuse, lui donnant
la configuration actuelle.
En 1913,
le château est acheté par la famille Bovis.
En 1959,
il entre dans le patrimoine de la Société du Canal de Provence
et d'Aménagement de la région provençale. Cette acquisition
peut être considérée comme une victoire post mortem
de François Zola.