La montagne Sainte-Victoire |
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(Extrait de la
Feuille de Chêne n°25)
De ce
monument de la Provence on peut évoquer les roches qui le constituent,
les aspects de la chaîne et comment peu à peu elle s'est mise
en place.
Pour
comprendre le blanc éclatant des roches du sommet il faut imaginer
une géographie bien différente au moment de leur formation.
Il y a 135 millions d'années (Jurassique), la mer était au
nord sur toute la région des Alpes; au sud un continent reliait
les terrains des Pyrénées aux Maures. Ici s'étendait
un récif barrière comme il en existe aujourd'hui autour des
îles du Pacifique, avec coraux et algues encroûtantes, tandis
qu'une boue calcaire s'accumulait sur les parties les plus profondes. Il
en est résulté le calcaire blanc, aux fossiles rarissimes,
de la crête.
Un peu
plus tard, sans doute à la suite d'un approfondissement, c'est un
mélange calcaire et argileux qui s'est déposé, avec
faune de Mollusques. On est alors au début de Crétacé
et on rencontre les bancs de cette formation dans l'abrupt de la falaise
en descendant vers Saint-Antonin.
On trouve
aussi comme roche particulière la brèche dite «du Tholonet»,
ancien éboulis aux débris anguleux venus de l'érosion
et réunis ensuite par un ciment rougeâtre. Exploitée
en certains points (Saint-Antonin, Roques-Hautes) et polie, improprement
appelée marbre, on l'a utilisée en plaques pour garnir des
cheminées ou couvrir des commodes et des guéridons.
L'ensemble
de la chaîne permet de distinguer trois régions bien différentes
:
1
- La partie centrale, «Sainte Victoire» proprement dite, avec
sa forme de vague face au sud, son sommet presque rectiligne,
autour de 1 000 m du Baou des Vêpres à la Croix, dominant
le plateau du Cengle, lui-même promontoire sur la vallée de
l'Arc.
2
-
A l'est, au dessus de Puyloubier, le relief se poursuit, avec le Pic des
Mouches, point culminant, et progressivement décroît
jusqu'à fermer le bassin de l'Arc.
3
- A l'ouest au contraire, le niveau s'abaisse brusquement le long de la
crête des Costes chaudes. En avant s'étendent
des zones de brèches plus ou moins démantelées autour
de Roques-Hautes tandis que le coeur de la vallée de Vauvenargues,
au nord, s'approfondit et disparaît aujourd'hui sous le lac
de Bimont.
De la
vallée de Vauvenargues, l'après-midi, on peut avoir une idée
de la structure de la montagne. Au loin, vers le col des Portes, les couches
superposées du Jurassique dessinent une voûte et bientôt
se déversent vers le sud. Au niveau du Pic des Mouches elles sont
à la verticale puis elles la dépassent et se renversent pour
constituer la crête, reployant sous elles les formations plus récentes
du Crétacé et les brèches. En terme de géologie,
c'est un anticlinal qui se couche peu à peu et dont le coeur, creusé
en combe, est la vallée de Vauvenargues.
Quels
épisodes de l'histoire permettraient de concilier toutes ces observations
? Le sud de la Provence sort de la mer au milieu du Crétacé
(l'érosion superficielle sous un climat tropical donne la bauxite)
puis sa surface se ride. C'est entre deux rides, dans une gouttière
est-ouest assez comparable au bassin de l'Arc, occupée par des marécages
ou des lacs, qu'ont vécu les Dinosaures. Ils n'ont vu de Sainte-Victoire
qu'un banal relief que l'érosion attaque et démantèle.
C'était
il y a 65 millions d'années et par une poussée venue de sud
une nouvelle phase de plissements se produit au cours de l'ère tertiaire
(- 45 millions d'années) et rajeunit les reliefs. Mais c'est tout
près de nous (- 7 millions d'années) que le contrecoup des
plissements alpins venu du nord donne la physionomie actuelle. Lanticlinal
bloqué au centre dans sa progression se redresse et prendrait alors
sa forme de vague.