Le Frêne à fleurs

 

(Extrait de la Feuille de Chêne n°8)
 
 

Ornus est l'ancien nom latin de ce petit arbre méditerranéen que sa floraison tardive et profuse suffit à différencier des autres frênes de nos climats. Défleuri, il se reconnaît encore aisément à ses feuille composées de folioles portées chacune par un petit pétiolule, et à ses bourgeons terminaux gros, cendrés. Sa cime est bien plus fournie que celle de nos autres espèces. son écorce grisâtre reste toujours lisse. Il atteint 7 à 10 mètres.

Le frêne à fleurs croît dans tout le Midi de l'Europe, de l'Espagne à la Turquie ainsi qu'en Asie Mineure. Répandu en corse dans les forêts, les ripisilves, les maquis, les lieux rocheux, jusqu'à l'altitude de 1400m., on ne le retrouve spontanée en france, que dans les Alpes Maritimes. On l'a introduit çà et là dans les bois de la région méditerranéenne (mon amis A.Branchu me l'a montré à Saint-Pierre de Vacquières, près de Nîmes, où il est disséminé sur plusieurs hectares des chênaie verte, où il se ressème spontanément). Il en existe, endémique en Corse et en Sardaigne, une belle variété à folioles d'un vert plombé en dessus, centrées-argentés en dessous, le F. Orunus L. var.argentea Gren.

Manne

L'orne, dans les contrées les plus chaudes de son aire, exsude sur ses feuilles et aux plaies de son écorce, une gomme de saveur douce et fade qui, dans l'espace d'une journée, se prend en grain ou en masses jaunâtres ou blanchâtres. C'est la manne des apothicaires d'antan (celle dont les hébreux se nourrirent dans le désert était sans doute aussi la sève concrétée d'un végétal : v."Tamaris"). La manne figure depuis très longtemps dans la matière médicale arabe. Certains y voient le "miel de rosée" ou "miel aérien" dont parle Galien, médecin grec du 2ème siècle. Laxatif doux, agréable à prendre, cette substance eut son heure de gloire au temps où la purgation constituée la base de toute thérapeutique. Souvent falsifiée, parfois confondue avec celle du mélèze, la manne était importée de Calabre et de Sicile où on la récolte encore.
La plus estimée était celle recueillie sur les feuilles (manna di fronde) ; à partir du 18ème siècle, on accrue la production par des incisions dans le tronc, pratiquées dans le courant de l'été, qui donnait la manna forzata. Elle était si appréciée au siècle des philosophes que certaines "personnes délicates et sensuelles "(Chomel) la mêlait à leur café... mais les marchands de drogue en abusèrent à ce point que Chamberet pouvait écrire au début du 19ème siècle (in Chaumeton, Fl.médic., III, 1816) : "la mana constitue un des plus précieux ingrédients et un élément nécessaire de ces potions dégoûtantes et prolixement composées, dont les bonnes femmes, les médicastres, les guérisseurs officieux, etc. ne cessent d'abreuver les malades sans nécessité". Elle est tout à fait délaissée de nos jours.

Usages divers

Les feuilles et les samares s'emploient comme celle du frêne élevé. Le bois est voisin de celui du frêne à feuilles aiguës.

Culture

Le frêne à fleurs est souvent planté dans les parcs. <c'est un bel arbre ornemental par sa floraison abondante et son feuillage léger ; la variété argentée est à conseiller, surtout dans le Midi. Très rustique (il supporte des froids de -25°C), il peut être cultivé dans les plus grandes parties de la France. Il accepte les sols pauvres mais ne prospère que dans ceux qui sont profonds et assez frais, non acides. On le multiplie de graines aussi facilement que le frêne élevé, en réservant toutefois une bonne exposition au semis et aux jeunes plants.

P. LIEUTAGHI
Ethno-botaniste